J’allais porter votre attention sur l’ironie de la chose, mais l’industrie des services financiers n’est pas à une contradiction près, n’est-ce pas?
Equifax et TransUnion, les deux agences les plus connues d’évaluation de crédit des particuliers, ont été condamnées aux États-Unis à payer plus de 23 millions de dollars (US) en pénalités et en remboursements aux consommateurs. On leur reproche d’avoir annoncé un service de veille de dossiers de crédit au prix de 1$ par mois (ou gratuit) alors qu’il en coûtait en réalité plus de 200$ par année aux adhérents.
Sur le fond, le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), une agence gouvernementale américaine qu’on pourrait comparer à notre Office de la protection du consommateur, affirme surtout que le score de crédit pour lequel le consommateur débourse n’est pas très utile. Selon le CFPB, les deux agences induisent les gens en erreur en leur laissant croire que la cote de crédit qu’elles vendent est celle utilisée par les prêteurs pour déterminer les conditions d’un prêt.
Comme je l’expliquais ici, Equifax, par exemple, communique aux consommateurs la cote FICO alors que les prêteurs se basent sur la cote Beacon, une autre méthode de calcul. Forte d’un honorable score FICO, une personne pourrait penser avoir accès à des conditions d’emprunt avantageuses, mais elle pourrait vite déchanter dans le cas où sa note Beacon était moins reluisante, ce qui n’est pas exceptionnel.
Mais ce qui a mené aux condamnations des deux agences, c’est le marketing autour de leur forfait qui permet en tout temps de consulter son dossier de crédit et de connaître sa cote de crédit. Ce service est aussi offert au Canada par les deux agences sur leur site Internet. Chez Equifax, cet abonnement coûte 19,95$ par mois et chez TransUnion, 16,95$. Les entreprises n’annoncent pas ici des mois gratuits ou une offre de départ à 1$. Par contre, un internaute qui voudrait obtenir une seule fois sa cote et son dossier de crédit, ce qui coûte une vingtaine de dollars, peut facilement se retrouver avec l’abonnement sans le vouloir.
Sur le site d’Equifax, l’internaute aura l’impression qu’il s’agit de la seule option disponible. L’offre de ce service accapare toute la page d’accueil. Sur le site de TransUnion, on pourrait soupçonner la société de vouloir mystifier le client. On vous invite en effet à cliquer sur un gros bouton pour connaître votre cote de crédit. Cela vous mènera vers un formulaire pour souscrire à l’abonnement mensuel. À droite de la page, on indique dans une petite case « Vous avez choisi : La Surveillance (sic) du crédit TransUnion pour 16,95 $ par mois », alors que ce n’est pas du tout ce que vous avez choisi, vous vouliez simplement obtenir votre cote.
Je ne sais pas si un client peut aisément se libérer de cet abonnement, qu’il y ait adhéré par erreur ou en connaissance de cause. À voir les astuces déployées pour que vous vous abonniez, je doute qu’on vous laisse partir aussi facilement. Mais c’est une impression, et je n’ai pas envie de la tester. Cela dit, Equifax et TransUnion ont été forcées de revoir plusieurs de leurs pratiques aux États-Unis à la suite de la décision du CFPB américain. Notamment, les deux agences doivent s’assurer que les consommateurs peuvent facilement annuler leur abonnement.
On n’a pas encore discuté du service qu’on obtient en retour. Je ne sais pas pour vous, mais moi, je ne me suis jamais réveillé en sursaut durant la nuit en me demandant « Diable, quelle est ma cote de crédit? ». Je ne ressens pas le besoin de connaître à tout instant cette information, à plus forte raison lorsque, sachant qu’elle ne correspond pas au score transmis aux prêteurs, son utilité est des plus contestables.
L’abonné a aussi droit à un service de veille qui l’avertira lorsque des changements importants affecteront son dossier afin de prévenir le vol d’identité, autant dire jamais. Equifax offre en outre une « assurance vol d’identité ». Je n’ai pas analysé la police offerte, mais qu’importe, sur l’échelle des priorités, ce produit est loin des sommets. Je dirais qu’il se situe au niveau des marmottes, sous terre. Les banques assument les frais les plus fréquents de ce genre de délit, soit les fraudes sur les cartes de crédit.
TransUnion pour sa part offre des « outils puissants » qui permettent de connaître « l’impact de votre dette sur vos finances avec votre rapport de dette au revenu » (ouf!).
Excel aussi est puissant, bien plus puissant que nécessaire pour effectuer ce petit calcul qu’un élève du secondaire peut faire à la mitaine.
Les deux agences prétendent vouloir vous aider à améliorer votre situation financière. La meilleure décision à cet égard consiste d’abord à ignorer leur offre. Vous pouvez obtenir gratuitement toute l’information de votre dossier de crédit en en faisant la demande sur le site d’Equifax, mais le dossier vous parviendra par la poste. Cela suffit pour vérifier si votre dossier ne contient pas d’erreurs ou des anomalies et pour demander des corrections si nécessaire.
Par contre, ce service gratuit ne vous donnera pas accès à votre score. Si vous y tenez, vous pouvez aussi l’obtenir sans frais sur le site de ratehub.ca. Et cela n’assure en rien les conditions auxquelles vous pourrez emprunter.